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Je naquis en 1201, grâce à Dame Gisèle.

Si je suis aujourd’hui située au cœur de la ville et bordée de larges avenues, il n’en était rien au moment de ma fondation.

Conformément à la règle de Saint Benoît, les cisterciennes avaient choisi de préférence un vallon retiré, de manière à se tenir loin de la vie urbaine et à disposer tant des matériaux nécessaires aux constructions, de l’eau pour les multiples usages de la vie domestique que des terres à mettre en culture.

Façonnée par Adam Gheerys, mon église prend vie en 1350.

À l’apogée de mon développement, je m’étendais sur 120 ha de cultures et de bois, du boulevard Saint-Michel à l’avenue Brugmann, de Ma Campagne à la chaussée de Boondael.

Prise entre les feux des protagonistes, je suis d’abord saccagée par les calvinistes en 1578 puis incendiée le 16 septembre 1581 par les troupes du gouverneur espagnol Alexandre Farnèse, pour éviter qu’elle ne tombe entre les mains des réformés qui pourraient s’y retrancher.

Retirées dans leur refuge de Bruxelles, les moniales ne reviendront qu’en 1585.

Mais le calme ne dura pas bien longtemps, je suis dévastée à quatre reprises encore.

En 1600 suite à une mutinerie d’une armée sans solde ; en 1632 à l’occasion de l’invasion du Brabant, en 1635 après l’échec du siège de Louvain, et finalement en 1695 lors du bombardement de Bruxelles par Louis XIV.

Abbaye de la Cambre par Denis Van Alsloot, 1609, Musée des Beaux-Arts de Nantes Abbaye de la Cambre par Denis Van Alsloot, 1609, Musée des Beaux-Arts de Nantes
Abbaye de La Cambre par Denis Van Alsloot, 1609, Musée des Beaux-Arts de Nantes

Le XVIIe siècle apporte prospérité et restauration.

Mes jardins sont reconstruits à la française, j’ai maintenant une cour d’honneur avec un portail.

Sanderus, Abbatia Beatae Mariae de Camera Ordinis Cisterciensis Sanderus, Abbatia Beatae Mariae de Camera Ordinis Cisterciensis
L'abbaye de La Cambre et la cour d'honneur baroque d'après Sanderus 1726

Les travaux de modernisation de l’abbaye à peine achevés, ma communauté monastique est contrainte à l’exil et ses biens vendus aux enchères. En 1789 je deviens un hôpital militaire, puis en 1796, je suis vendue en tant que bien national à Jean Simons, un carrossier. Je deviens une fabrique de betteraves, une manufacture de coton pendant cinq ans, un dépôt de mendicité

L'abbaye en 1850

En 1874, l’école militaire s’installe en mon sein.

Mes bâtiments se transforment en gymnase, réfectoire, plaine d’exercice, manège pour chevaux, certaines pierres tombent, d’autres murs sont construits.

En 1918, je suis occupée par les Allemands, j'en sors ruinée.

École Militaire
Ruines 1932

La Ligue des Amis de La Cambre se crée en 1921, afin de lever des fonds.

Mes jardins sont réaménagés en 1924, Henry Van de Velde crée l’Institut Supérieur des Arts Décoratifs en 1927, que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’École Nationale Supérieure des Arts Visuels de La Cambre depuis 1978.

Henry Van de Velde, fondateur de l'ENSAV de La Cambre

Les constructions et les restaurations se sont succédé, je suis à la fois Romane, Gothique et Baroque, et mes vitraux actuels datent du XXe siècle.

De grandes restaurations s’opèrent dans les années 1930, je deviens un bâtiment classé en 1953, et de 2013 à 2020, j’ai été agréablement surprise par la restauration d’une vie religieuse, en accueillant deux chanoines.

Projet pour la restauration de la façade principale de l’église, E. Collès, février 1918 Projet pour la restauration de la façade principale de l’église, E. Collès, février 1918
Projet pour la restauration de la façade principale de l’église, E. Collès, février 1918

Mais voilà, la ville m'a grignotée, et il ne me reste que  mon coeur qu'on voit aujourd'hui encore, et quelques extensions de l'école militaire.

J'espère être debout longtemps encore, mes pierres ont encore tant à offrir

L'ENSAV aujourd'hui